Présentation du séminaire

Partant toujours des dessins d’enfants et d’histoires singulières propres au phénomène autistique et psychotique, nous poursuivons l’élaboration de la théorie du Cartouche en interrogeant la notion de psychisme, hors de la parole et hors du Symbolique. Nous étudierons le psychisme dans sa composante d’écritures et de figurations, à travers les concepts de Plis, de Chevêtres ou encore d’Archi-écriture

Notre but est de construire une pensée en 3D, en nouant les travaux de Deligny, Deleuze, Derrida. Ces trois auteurs ont vécu une sorte de « déterritorialisation », après une errance et une dérive dans leur trajet de penseurs. Il s’agira de montrer un dénominateur commun aux trois hommes. L’aperception que j’ai pu repérer comme Cartouche, et celle d’un Plan B ( le plan de la dérive d’où part la lettre tel qu’en témoigne Derrida) sont mises en jeu dans la texture de leurs travaux. Le Cartouche est équivalent de l’organe d’intériorité supposé -et non montré- par P. Descola, organe dont il suppose qu’il est à l’origine de la construction des types de culture. Ce n’est évidemment alors pas un fait du hasard si Deligny mentionnait dans ses travaux que, dans les Cévennes, une ethnie semblait se construire. Il est passé proche de découvrir les fonctionnalités et la présence du Cartouche, entre figurations et comportements, dans ses travaux avec les enfants autistes.

Rappelons que notre postulat est que chacun d’entre nous est régi dans le dessous par un Cartouche et que celui-ci est extrêmement démenti. Pourtant, il est possible d’en avoir une vision représentée et transmissible. Nous montrerons que ce Cartouche est ce que Deligny tentait de saisir en images comme « un état d’humain » avant qu’il ne soit ensemencé du symbolique. C’est cet organon de « l’état humain avant le symbolique » qui continue d’agir « l’état humain d’être parlant », jusque dans sa manifestation la plus signifiante et langagière, au travers d’un démenti structural.

Les enfants accueillis par Deligny dans les Cévennes sont mus, directement, par les différentes composantes du Cartouche : ces composantes sont de nature animiste, totémique, analogique et naturaliste. Il écrit que « l’autisme apparaît comme un modèle d’une forme anonyme d’existence des êtres », ce qui permet à la fois de définir un ON social et un Nous commun. Les enfants en grandes difficultés « semblent non domestiqués par le symbolique, comme réfractaires. Ils vivent dans leur corps une langue sans sujet, une langue infinitive débarrassée du se, du soi, du moi. C’est une langue du corps et de l’agir ». Pour Deligny « le langage non verbal consiste dans la « re » présentation par gestes et tracés des actes à prévoir de la réalité non présente-là », et, ce qu’il nomme « les tracés », qui « devraient concerner la représentation de l’espace ».

Pour nous, ces enfants ne possèdent pas le filtre du démenti qui spécifie le comportement de l’état humain affecté du symbolique, parce qu’ils ne possèdent pas non plus un cartouche qui soit figuré. Dès lors, dans la continuité de Deligny, nous posons l’idée que ces enfants suivent dans leur comportement un chemin imposé par la nécessité intérieure d’une reconstruction de leur Cartouche ; ce dernier semble présenter une agénésie ou un défaut d’écriture des plis. Autrement dit, ce qui ne peut se figurer dedans se figure dehors par un comportement spécifique, et ce qui ne prend pas la voie du symbolique et du signifiant prend la voie du comportement, de l’agir, à distinguer du faire.

Le Cartouche constitue un Réel de l’Imaginaire qui édifie ce que Freud a posé comme fondations, à travers la notion de pulsion de vie intriquée dans la pulsion de mort. Il permet alors une homéostasie dans le psychisme.

L’enjeu est d’étendre la théorie de la psychanalyse en définissant peu à peu le Cartouche, ses fonctionnalités, et en considérant l’apport des travaux, des intuitions de Deligny, Derrida et Deleuze (respectivement dans Œuvres, Le pli et De la grammatologie), comme continuités aux modélisations de Freud et Lacan. Ces conceptions ne s’opposent pas mais nécessitent d’être unifiées. Nous avons observé que certains états psychiques identifiés comme « autisme » dans une psychopathologie floue expriment en réalité une position polymorphe du psychisme dont le processus de création est inachevé. Nous pensons qu’il est nécessaire d’appréhender autrement ces états psychiques.

Nous essaierons de définir les conditions nécessaires pour que survienne un démenti structural permettant l’assise de l’écriture capable de générer du sujet, de produire son fading entre métaphore et métonymie et sa capacité à « partir » dans la dérive réflexive du fantasme et du signifiant. Nous pouvons dire que le refoulement prend appui sur l’édification d’un démenti issu d’un passage d’une logique de figuration à une logique d’écriture en creux et en excès, que nous appellerons pli structurel.

Nous étudierons pour mieux la définir, la notion de comportement en psychanalyse. Nous dissocierons le « faire de l’individu », situé du côté de l’Imaginaire du Réel, de « l’agir de l’individu » qui se réfère aux figurations Réelles de l’Imaginaire du Cartouche. Ainsi nous pourrons présenter un pan rationnel de la théorie psychanalytique sans notion d’Œdipe, mais permettant l’existence et la structuration d’un Oedipe. Il n‘ya pas d’Oedipe sans un cartouche et sans un plan B de démenti.

La psychanalyse est pour le moment fragile sur cette question et s’expose aux attaques irraisonnées des prosélytes des TCC ou à des raisonnements similaires à ceux de Michel Onfray. Nous pensons que les psychanalystes ne peuvent rester sur des positions défensives. Ils n’ont pas encore élaboré la partie de la théorie où le primat du symbolique n’existerait pas…