Représentation du cartouche - Jean-Baptiste Beaufils

Une autre psychanalyse avec l’autisme

La théorie et la pratique du Cartouche est un enseignement nouveau, apporté par les enfants autistes, à la psychanalyse. En effet, il est nécessaire de montrer la validité d’une approche réellement différente de l’autisme enseignée par les enfants eux-mêmes, autrement dit il s’agit pour nous de faire confiance en leur savoir que nous avons à apprendre à lire.

Nous nous concentrons sur les notions d’écritures, de traces, de figurations et sur les prémices de paroles spécifiques de l’enfant en grande difficulté et de l’enfant en général. Quant bien même, l’enfant est affecté par une étiologie, infectieuse, génétique ou autre, de son trouble, il ne relève pas moins d’une humanité que les autres enfants. Et, non seulement il ne relève pas moins d’une humanité que les autres mais en plus, il nous éclaire sur notre humanité originaire, notre état originaire d’être humain parlant lorsque le symbolique n’a pas encore pris sa forme définitive. Lorsqu’au contraire le symbolique n’est pas encore prévalent sur l’image motrice et ce que nous appellerons un Iman’agir.

Pour illustrer la naissance du sujet en pratique et en théorie afin de transmettre un savoir faire, intitulée théorie du cartouche utilisant les expériences de cures psychanalytiques et les travaux réalisés par des enfants en grande difficulté réalisant des prodiges pour leur guérison, nous allons tenter de montrer comment le sujet naît à partir de figurations spécifiques, séquestrées dans un bassin attracteur, véritable champ de forces vivant.

Nous partirons en voyage à travers d’étranges espaces mentaux, parcourrons des feuillets organiques, traverserons des membranes vivantes faisant architecture et mouvance pour le sujet, et nous en repérerons les traces dans la parole et dans le « tracer » écrit »er ». Nous serons proches d’une pensée animiste, totémique, analogique, et naturaliste que nous montrent en acte les autistes qui instaurent un « Nous » tellement singulier mais pourtant commun aux hommes. A notre insu, ce « Nous » continue de nous agir, notre névrose étant même une réaction de défense contre lui. Nous chercherons ce qui fait l’humanisation, son humus, ses traces, ses origines. Nous chercherons l’humain au minimum c’est à dire son autre face, « l’autre pôle » dit Deligny

Car que peuvent les psychanalystes quand il n’est pas possible de jouer la partie du sujet désabonné du verbe, banni du verbe ou dont le verbe n’est pas bien incarné ? F. Deligny nous montre la voie : « Il faut passer quand même, guidé par l’intuition d’un autre pôle qui détourne et rebute l’usage invétéré du langage. Il y a d’autre passages que par le mot, d’autres voies que la voix ».

Découvrir une autre voie que la voix, la parole à minima, le moins que parole, la parole à l’envers jusqu’à l’agir, le tracé, le figuré est la raison de ce site, lieu du sujet « indestiné », non parvenu à son destin agissant, livré aux déchainements intérieurs, à l’angoisse dans un monde d’objets instables, dans une pensée écartelée, en morceaux ; un sujet laissé dehors, comme enfermé dehors. Pour cela, nous devons apercevoir les dessous de l’écriture et ce qu’ils recèlent de figurations.

Il nous faut partir à la conquête du sujet, non pas dans le défilement des mots, mais par ce qui anime le texte, non pas entre les lignes, mais derrière la page blanche : elle peut tout à coup se révéler couverte de messages de vie et de formes animées que ne renierait pas H. Michaux.

Il s’agit de faire exister la psychanalyse autrement, de lui augmenter son empan et lui redonner toute la force de son action et en montrer la validité avec l’enfant souffrant. Ce lieu mettra en exergue un certain rapport au monde qui valide l’intuition Deligny. L’imaginaire sera à l’honneur, valorisé comme une consistance surgissant du réel, vitale pour la venue au monde du sujet. La théorie et la pratique du Cartouche : un enseignement nouveau, apporté par les enfants autistes, à la psychanalyse.