L’association TLPER se donne pour but de créer de développer une vision surdisciplinaire nouant psychanalyse et anthropologie.
De Philon d’Alexandrie pour qui l’anthropologie comme un pratique de la description des différences entre les corps des hommes, puis l’Anthropos d’Aristote qui signifie « celui qui aime à parler de l’homme » et l’anthropologie d’aujourd’hui, l’écart est à la fois considérable et discret et présente un autre visage, du fait la mutation du monde, l’exacerbation du capitalisme, un post colonialisme qui a vu un retournement de situation du fait des flux migratoires désormais centripètes. Dès lors l’anthropologie est devenue une étude des modes d’identifications entre intériorité et extériorité, des modes de survivances de la subjectivation, celle de l’homme en mouvement et en mutation entre un hyperdéterminisme autofondateur et un indéterminisme complet, entre des lieux surdéterminés et des non-lieux évanescents. Et tout homme peut être en exil d’une manière ou d’une autre, tout homme peut se retrouver dans l’a-cité et la désidentification. En somme l’anthropologie quand elle prend une dimension clinique aussi la nôtre à l’avenir étant donné la mondialisation. Tentons de la préciser.
La mutation de l’anthropologie par les mutations du monde
C’est après C. Lévi-Strauss que l’anthropologie est devenue sociale avec Jaulin, Clastres et Descola, avec un retour spectaculaire des travaux de Devereux qui déjà tentait une anthropologie clinique, une ethnopsychiatrie aujourd’hui dans l’excès et nous suivons J. Malaurie lorsqu’il écrit : Jamais un chaman ne m est apparu comme un sorcier ou un charlatan. Ces presciences sont prises très au sérieux. Le chaman n’est pas un asocial souffrant de troubles psychiques comme l’a trop souvent suggéré l’ethnopsychiatrie contemporaine, l’Eglise des missionnaires ou le parti communiste soviétique, ce qui reviendrait à assimiler le chaman au schizophrène, voire à l’autiste. Pour les Inuits, l’attirance pour un dialogue avec les morts n’est pas le symptôme d’une grave affection mentale comme le suggère notre Occident. »
En même temps, l’ethnologie du lointain est devenue une ethnologie de la proximité rendant l’anthropologie utile pour étudier nos dimensions psychopathologiques lourdes actuelles. Il s’agit alors de construire une structure d’étude et d’observation des constructions des subjectivités du migrant, de l’exilé, de l’errant mais également celle de nos enfants en grande difficulté. Une structure capable de repérer les non –lieux, les anomies spectaculaires au cours desquelles, le sujet tente de s’approprier des systèmes symboliques non plus dans une recherche des origines mais dans un dialogue avec elles.
Apres la découverte de la notion d’efficacité symbolique, celle de la subjectivité de l’anthropologue que le psychanalyse appréhende avec le contre transfert, de cette notion que les mythes n’étaient pas des actions concrètes mais des operateurs symboliques générateur de mouvements psycho-dynamiques. Apres l’installation d’une conviction qu’il fallait se baser sur le triptyque, bricolages mythopoïétiques , double articulation de la langue au métaphorique et au métonymique et langage musical, interceptés dans le même lieu dans des temps différents, On découvre que l’ethnicité n’est pas une identité figée. En dépit des volontés politiques et des décisions juridiques, l’ethnicité est définitivement une notion flottante, osmotique, un processus mais pas un concept, jamais figée.
Ces profondes mutations de pensée exigent de construire une anthropopsychanalyse clinique de l’exil pour les migrants que nous devenons mais également pour les exilés de nos sociétés, les exilés de la maladie dite mentale et mettre de l’anthropologie dans le psychopathologique en tenant compte des montages identitaires des populations aux fonctionnements différents qui nous éclairent sur les discontinuités et les discontiguités qui oeuvrent dans le collectif et dans les sujets que nous sommes.
Mais alors il est nécessaire de construire un dialogue entre anthropologie et psychanalyse entre des femmes et des hommes d’horizons, de religion, de sociétés hétéroclites teintant leurs pratiques et leur analyses, de tenir une position épistémologique non empirique en ne naturalisant ni le fait social ni le fait psychique, en soutenant l’effort de résistance à l’effacement des traces, de tenir pour acquis que les deux pratiques soutiennent leur éthique d’une connaissance du désastre pour travailler au cœur des identités défaites et des corps meurtris, de comprendre que la manière de faire la femme ou l’homme dépend du discours dominant comme le montre le phénomène de la berdache par exemple. Il est nécessaire de comprendre que dans l’être parlant, il existe de la structure et de la modalité d’être.
Sens et direction de l’anthropologie psychanalytique clinique
Il apparaît donc que l’anthropologie clinique est une condition de l’éthique contemporaine en questionnant le réel social comportant les dimensions de l’économique et la mort dans lesquelles est pris le sujet lorsqu’il est exclu de la colle, de l’Eros social et qui des lors est désidentifié. Elle se base sur l’étude des nouvelles logiques de subjectivation résultant des modifications des rapports sociaux, elle n’est de ce fait ni médicale ni interculturelle. Elle a pour ambition de promouvoir une épistémologie des rencontres possibles entre les deux champs et de construire une structure interdisciplinaire voire surdisciplinaire claire, pragmatique et théorique capable d’interroger, les montages, les liens, les coupures entre altérité et identité.
Identité et altérité
Ces principes posent la question de ce qu’est identité et altérité.
1) L’altérité
Elle comporte deux axes :
– celui de l’alter le semblable, différent.
– celui du grand Autre lieu qui existe avant chacun de nous, lieu de la langue, du symbolique et de la loi
2) l’identité et ses composantes.
a) le sentiment qui se construit sur le moi composé d’identifications sociales parentales et culturelles résultant des tensions entre surmoi jugeant et idéaux
b) la consistance qui provient des dispositifs culturels qui nous mettent en lien avec un originaire parfois instable et souvent remanié
c) une régulation de l’identité dans la mesure où le surmoi culturel est parfois tel que les politiques de ségrégations, segmentant les groupes humains, annulent les différences individuelles quant aux modes culturels du sujet
d) les modalités de l’identité qui permet la singularité du sujet qui passe par une multiplicité de liens sans cesse mouvant et remaniés et non pas suspendu à un seul.
e) Une grammaire de l’identité qui est fondatrice du sujet et qui renvoie à l’opposition créatrice du je et du tu où le tu n’es pas en miroir et ne tue pas, mais renvoie à une intime intériorité.
f) Une identité de l’identité puisque l’intention culturelle tente par force d’identifier le sujet à un sexe et à un genre mais est mise en défaut par l’anomie du sexuel dans l’inconscient
Le malaise dans l’identité
a) malaise dans les sujets
Le symptôme est un espace temps permettant un moment de liberté face aux injonctions identitaires trop contraignantes que peut prendre la manière de transmettre la tradition. Ainsi le symptôme témoigne de cette lutte entre le sujet désirant et le sujet social. Il questionne la place du sujet au regard de l’histoire du groupe et ses tentatives d’affranchissements Le sujet tente de sortir d’un destin tracé pour lui par le groupe en relation avec l’histoire
Le phénomène de désignation à la « whitisation » des jeunes africains venus en Europe dès lors n’appartenant plus à aucune culture et les pratiques du « blindage » en témoignent de manière incontestable. Mais tout proche de nous, nous-mêmes sommes parfois « autrifiés », sigmatisés.
La symptomatologie collective ou individuelle alerte sur les moments de composition et de décomposition voire de destruction et de réparation des montages identitaires qui subissent des soubresauts, des effractions violentes avec son cortège de symptomatologie. Le sort des Iks décrit par Colin Turnbull, qui de nomades ont du passer à la sédentarisation est paradigmatique, de même que le sort des autistes ou des psychotiques. La symptomatologie s’observe chez certains exclus, errants, exilés et adolescents.
Si la psychanalyse étudie ce qui manque à l’homme toujours au prise avec son manque à réaliser voire à son irréalisation, elle pourra œuvrer à soutenir le sujet dans le « retrouvé » de ses fondations symboliques et de son identité sexuée dans les signifiants majeurs de son groupe et de son époque
b) Malaise dans le culturel
L’identité culturelle se trouve en écartelée entre deux mouvements contraire, soit en soutenant justement la confrontation pariant sur le renforcement par la multiplicité qui dans ce cas n’est pas génétique mais génésique. Soit la tentative d’un repli identitaire figeant. La tentation de l’isolement voulant éviter toute contamination par l’autre. Ce point de vue oublie que toute culture est le résultat d’une longue histoire de confrontations, de guerres, d’échanges, de mutations, de rencontres avec d’autres cultures.
Alors éclairer le malaise actuel nécessite de sortir des conceptions communautaires et identitaires, de passer à l’étude des sociétés qui ne sont ni hors temps ni anhistoriques et sont capables d’être travaillées par le présent et produire des interprétations dignes de ce nom.
Dès lors ce sont ces traces de travail dans la structure qui feront l’objet d’étude.
Le champ d’investigation
L’anthropologie finalement s’intéressera à toutes les formes d’exil et leurs cliniques : exils tant intérieurs qu’extérieurs, géographiques, physiques, et politiques quelque soit le sujet.
Elle s’intéressera également aux effets de la transmission psychique d’une génération à l’autre. On pourrait à cet égard étudier les grands effets du passage de la sédentarisation à la nomadisation et son envers mais comme des processus et non comme des concepts. Autrement dit, il faudra montrer les violences de l’histoire sur les transmissions de la vie psychique d’une génération à l’autre dans la mesure où paradoxalement cette violence est au principe même de la culture et du lien social mais prend des tournures pathogènes du fait d’être déniés.
Il faut prendre en compte qu’il existe des niveaux d’universalité et d’internationalité de ces phénomènes qu’il faudra bien distinguer.
L’anthropologie clinique saisira ces phénomènes du malaise actuel dans le triptyque parole /institution / corps au delà du clivage nature culture
Les recherches possibles
a) sur les processus institutionnels
il faudra comprendre les modalités d’emprise des processus institutionnels (parenté, filiation , rapports à l’interdit) sur la subjectivité et la subjectivation.
b) l’appropriation du lien
Comment le sujet exprime-t-il ses interrogation sur son appropriation de son lien à l’institutions (conduites repérable, moments de vie, etc. ) ?
c) les montages identitaires
Ils se dévoilent au gré des pratiques des limites et des frontières, des moments de délocalisation et des exils, et au contraire dans les efforts de ségrégation.
C’est dans ces lieux psychiques que l’on cherchera les nouvelles pathologies identitaires, le devenir de la fonction créatrice de la folie, les appropriations forcenées du passé comme résistance à son effacement, la vision catastrophiste du futur.
d) les jouissances
Le capitalisme induit des modes de jouissances et influe largement sur les montages identitaires artificiels et les déplacements de masse. Il importe alors de retrouver le sujet divisé par le sexuel et ses modalités d’engagement dans une culture puisqu’il n’existe pas de représentations du sexe, du genre et de la mort dans l’inconscient. Il faudra retrouver les jouissances liées aux ancestralités dans le présent et dans les corps s’en défendant et lire les transmissions culturelles, politiques, géographiques qui refondent à chaque fois les identités et les modes de subjectivation.
e) le socio-pulsionnel
il nous faudra interroger les dernières conceptions anthropologiques de la culture avec Descola qui permettent d’articuler le proche et le lointain, le sujet et le collectif à partir des modes d’identification basés sur les articulations entre intériorité et physicalité induisant des ontologies animistes totémiques naturalistes et analogiques puis des collectifs, ontologies qui œuvrent dans le présent chez chacun d’entre nous. Cette anthropologie par delà nature et culture permettra d’articuler anthropologie et psychanalyse dans la psychopathologie lourde qui nous donne des témoignage de l’intérêt de cette conception interdisciplinaire, notamment dans les notions d’autisme et d’enfants dits ancêtres.
En tentant de créer une épistémologie du nouage anthropologie et psychanalyse comme anthropopsychanalyse clinique il devient possible de s’accorder sur les outils d’analyse du malaise actuel et de créer une technicité au sens freudien pour opérer sur les pathologie lourde. Un tel champ sur-disciplinaire répond aux mutations sociales mais également aux mutations respectives des deux champs. Déjà, il a été possible de trouver une partie de son objet, à côté de celui social de l’exil, dans l’abord des pathologies lourdes tel que autisme et psychose qu’il nous appartiendra d’interroger à partir des savoirs en anthropologie et en psychanalyse.