quelques idées fausses concernant l’autisme : J.C. Maleval

— La pratique institutionnelle de traitement des autistes orientée par l’enseignement de Lacan n’utilise ni le packing, ni la pataugeoire, ni la violence. Sur ce dernier point on ne peut en dire autant de la méthode ABA — contre laquelle s’insurgent
beaucoup d’autistes de haut niveau. La justice vient de confirmer que les maltraitances —dénoncées par Médiapart dans le haut lieu français de l’ABA —, ne sont pas des diffamations (Dufau S. Autisme : Vinca Rivière et l’Association « Pas à Pas » perdent leur procès face à Médiapart. http://goo.gl/cEbNig)
— Les rares références à la « mère crocodile » faites par Lacan ne concernent en rien l’autisme. Les thèses de Bettelheim relatives à l’implication des parents dans l’étiologie de l’autisme n’ont jamais fait l’unanimité parmi les psychanalystes : dès 1965, Tustin s’y opposait fortement et elle n’a cessé de le faire. Son influence concernant l’approche psychanalytique de l’autisme n’a pas été moindre que celle de Bettelheim.
— Nous considérons l’autisme comme un fonctionnement subjectif spécifique et non comme une psychose. Le Professeur Jean-Claude Maleval explique pourquoi en ses travaux.
— Il n’est pas évident pour tous que la pratique psychanalytique n’utilise pas la convulsivothérapie (parfois prescrite en psychiatrie), et ne prône pas les chocs électriques. En revanche Mme Vinca Rivière, tenante de la méthode ABA, vante les vertus de ces derniers (Dufau S. Autisme : un courrier embarrassant pour un centre toujours cité en exemple, Médiapart, 3 avril 2012. www. mediapart.fr )
— Il apparaît encore nécessaire de préciser que la psychanalyse ne se confond pas avec la psychiatrie. Il y a un demi-siècle la psychiatrie française était à dominante psychanalytique ; aujourd’hui les neurosciences en constituent la référence privilégiée. La psychanalyse porte au dialogue avec le patient ; les neurosciences à des examens de son système nerveux. Des observateurs indépendants soutiennent que la perte de la référence psychanalytique en psychiatrie a grandement contribué à sa déshumanisation (Coupechoux P. Un monde de fous. Comment notre société maltraite ses malades mentaux. Seuil. Paris. 2006]
— « La » psychanalyse n’existe pas : elle est traversée de courants divers, ceux-ci, concernant l’autisme, soutiennent parfois des thèses contradictoires. Cela est tout aussi vrai concernant les diverses thérapies comportementales et cognitivo-comportementales (toutes ne prônent pas les chocs électriques). Cela est encore vrai pour les recommandations de la Haute Autorité de Santé dont les préconisations scientifiques entrent parfois en conflit avec ses propres recommandations éthiques : elle incite à prendre en compte « les goûts, les rythmes, les capacités » et même « les désirs » propres de l’enfant autiste ! Et pourtant, elle ne déconseille pas la méthode ABA !
— La Haute Autorité de Santé en 2012 recommande pour la prise en charge des enfants autistes ABA, TEACCH et Denver, non pas au nom d’une science triomphante, mais faute de mieux, puisqu’elle constate en même temps qu’aucune de ces méthodes n’est validée scientifiquement (ce n’est tantôt qu’une « présomption d’efficacité », tantôt qu’un « faible niveau de preuve »). La HAS observe que toutes ces méthodes connaissent plus d’échecs que de réussites. Cela devrait inciter à la modestie des préconisations.
— La HAS n’a pas récusé la psychanalyse et la psychothérapie institutionnelle pour la prise en charge des enfants autistes : elle n’a pas pris parti. C’est toute la différence entre la qualification « non consensuelle », qui leur est donnée, et la non recommandation. À noter que des associations qui, au nom de la science, font la chasse aux méthodes non consensuelles, dans le même temps n’hésitent pas à soutenir des formations à des méthodes non recommandées, telles que Makaton ou PECS, sans le moindre embarras.
— La qualification « non consensuelle » concernant la psychanalyse et la psychothérapie institutionnelle se justifie par l’absence d’études répondant à la méthodologie de la HAS (qui récuse celle prônée par les psychanalystes). Or une étude récente de l’INSERM (2014), favorable aux traitements psychodynamiques, vient maintenant combler cette lacune : Thurin J-M. Thurin M. Cohen D. Falissard B. Approches psychothérapeutiques de l’autisme. Résultats préliminaires à partir de 50 études intensives de cas. Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 62 (2014) 102-118. Il serait apprécié que les désaccords envers ce qui précède viennent à s’exprimer par des argumentations raisonnées et non par les habituelles calomnies qui d’emblée cherchent à couper court à l’échange.