Un possible ruissellement de la proposition d’Octobre 67. J.B. BEAUFILS.

Voici quelques matériaux :

  • La deuxième topique de Freud,
  • Les séminaires de Lacan, Topologie et temps, la séance du 15 mai 1979, au cours de laquelle interviennent ensemble J. M. Vappereau (links 1 sur J.M et 2 sur Vappereau) et J. D. Nasio et la séance du 8 mai 1979 avec A. D. Weil. L’insu que sait de l’une-bévue s’aile l’amour (en la mourre), la séance du 8 février 1977 sur la passe au cours de laquelle intervient également A.D. Weill
  • L’expérience de la cure
  • Les phénomènes observables dans les dessins des enfants relativement à leur savoir sur l’originaire en particulier des enfants autistes ou affectés d’une dysharmonie évolutive.
  • Les travaux de F. Deligny « Œuvres »
  • « La proposition d’octobre 67 sur la formation du psychanalyste » publiée dans Scilicet n°1, Seuil, Paris, 1969.

J’utiliserai ces textes et ces matériaux pour tenter d’éclairer la phrase de Lacan : « L’économie de la jouissance (…) ça aurait son petit intérêt qu’on y arrive. Ce qu’on peut en voir à partir du discours analytique, c’est que peut-être, on a une petite chance de trouver quelque chose là-dessus, de temps en temps, par des voies essentiellement contingentes ». (Lacan, XX, p. 105)

Cette possibilité hypothétique d’accéder à ce qui fait l’économie de la jouissance est grevée par une autre formule de Lacan qui place comme vel Tout et terme évanouissant dans « Tout ou Terme évanouissant ». Il est bien possible que le « ou bien », le vel ainsi posé, démontre une résistance à l’analyse du Moi dans son origine avec les Surmoi. L’expérience de la psychanalyse avec les enfants en grande difficulté ainsi que l’expérience propre de ma cure m’oblige pourtant à postuler qu’un Tout psychique tient et dure, par une consistance de l’Autre de l’image, malgré le fait de l’évanouissement du sujet. Mais ceci conduit à l’examen du concept de caractère dans sa relation au Moi avec un retour au statut de l’image et d’un dispositif imaginaire infini, achevé. Il semble important en effet de produire une certaine réhabilitation du Moi dans sa constitution originaire, Moi qui – depuis Lacan à la suite de son interprétation du rêve de Freud intitulé « l’injection faite à Irma » et la question de l’Egopsychology contraire à la psychanalyse – a mauvaise presse dans sa partie constituée d’identifications et dans la formation des analystes, mais qui pourtant semble très nécessaire à un certain niveau du psychisme à côté du symptôme. Il apparait que cet imaginaire spécifique, que l’on pourrait désigner comme une consistance de l’Autre, pourrait bien être le support de ce que Lacan appelle « l’économie de la jouissance » et qui n’est pas sans rapport avec le caractère. Et le caractère n’est pas sans rapport avec le « faire », très différent de « l’agir ». Je voudrais donc aujourd’hui tenter de montrer, car issue de l’expérience, une consistance architecturée d’un Réel … de l’imaginaire, du symbolique et du réel (RI, RS, RR) composant un appareil par lequel transite la libido en forgeant la pulsion de vie, conformément aux hypothèses de Freud.
Dans ce dispositif observable et observé in situ, il faut considérer que la pulsion de mort émane d’un lieu qui devient conceptuellement un bassin attracteur, un Horlieu sans représentation servant à la contention d’un Esplace, j’emprunte ici la terminologie de Badiou dans sa Théorie du sujet, et qui détermine les forces de cohésion des figurations de la pulsion de vie. Un Tout psychique réel coexiste avec le Tout hallucinatoire centré par l’ « objet a », mais séparé, démenti. C’est la raison pour laquelle je m’empare ici de Lacan mais en le décalant dans son propre discours qui dénie c’est-à-dire qui contient une réponse à son souci dans une affirmation inverse : « (…), retirez l’Oedipe, et la psychanalyse en extension, dirai-je, devient tout entière justiciable du délire du président Schreber » (Lacan, proposition d’octobre 67). Mais c’est ce Tout, image réelle qui fait la cohésion d’un Tout hallucinatoire structuré par l’Œdipe, image virtuelle fragmentée et architecturée par l’ « objet a » cause du désir. La cohésion de l’Œdipe n’est possible que si et seulement si, il existe un Tout structuré, complet, infini achevé et qui résiste à toute fragmentation. Lacan, à cet égard, souligne le caractère ectopique de l’Œdipe composé par une redistribution fantasmatique. Une ectopie signifie une délocalisation, mais au lieu où il devrait être, se trouve ce noyau factuel mythogénique qu’est le Tout réel à partir duquel l’Œdipe se structure. Cette topique permet de comprendre la remarque de Lacan : « Observons par rapport au noyau de l’expérience sur lequel nous venons d’insister, ce que j’appellerai techniquement la facticité de ce point. Il relève en effet d’une mythogénie, dont on sait qu’un des constituants est sa redistribution. Or, l’Oedipe, d’y être ectopique (caractère souligné par un Kroeber), pose un problème. L’ouvrir permettrait de restaurer, à la relativiser même, sa radicalité dans l’expérience » (prop. 67). L’Oedipe se redistribue à partir d’un contrepoint interne à la structure. Les figures du cauchemar, très différentes de celles du rêve (JB Beaufils, « Rêve et culture chez JPB de Josselin de Jong », Deshima, N°3, 2009) dont elles ne sont pas des succédanés ratés, contiennent certaines formes dérivées de ce contrepoint visuel.
Ce qui est observable c’est qu’il existe un noyau psychique dénommé le cartouche référentiel – à partir duquel l’Œdipe se redistribue et la défaillance de ce noyau rend impossible la construction œdipienne en particulier dans l’autisme. C’est un noyau mythogénique dans le psychisme, composé de deux images de voix, de 4 figures surmoi et d’un vrai trou et d’un faux trou logés dans un bassin attracteur, seul repère insu constant du névrosé qui le fait tenir à lui-même dans un hypoverbal. Si, selon Lacan, « l’art est un hyperverbal, un verbal à la seconde puissance » (Lacan XXIV), ici il s’agit dans ce référent, d’un verbal à la puissance moins un de l’imaginaire, un hypoverbal lié à la question d’une antériorité du grand Autre, cet « Un-en-moins » qui masque un « En-moins-Un. Il apparaît que sans cela, il ne peut pas exister de névrose au sens freudien.
Rappelons que Deligny croyait, en une image autiste qui n’est pas représentation. J.F. Chevrier (l’image, « mot nébuleuse » in Deligny Œuvres p. 1784) écrit : « L’événement est venu altérer un état fixé des choses hors conscience, hors représentation, et l’image est la fixation de cet état. A l’image comme représentation s’oppose ici l’image comme inscription a-symbolique du réel. (….). Cette rupture radicale de l’intériorité correspond à l’acheminement vers Dieu des mystiques ». Cependant l’expérience prouve que ces images ne sont pas tout à fait a-symbolique, elles ne sont pas symbolique du réel, mais bien réel du symbolique soit un champ de force faisant cohésion et division et déterminant dans leur coupure toute l’organisation symbolique du sujet. Elle peut également apparaître à la conscience du voir, comme séparée et constante elles ne sont pas présentation mais représentation.
Cette description du psychisme révélant un au-delà de la jouissance de l’Autre en tant que surface jouissante semble être recouverte par un plan de démenti. Troué, cependant donnant accès à l’économie jouissante du cartouche. Cette description admet et démasque la nécessité d’une troisième fonction du phallus émanant d’une surface qui complète le groupe déjà trouvé, formé par le phallus indivisible et la lettre volée de Lacan et le phallus disséminé et la lettre perdue de Derrida. Cette troisième fonction est la notion de phallus passant et de la lettre trouée. L’accès à ce savoir sur le cartouche nécessite une traversée d’un plan nommé B, support du phallus passant et de la lettre trouée qui réunit espace et temps, tuché et automaton. Il ne s’agit pas ici des archétypes jungiens, encore moins d’être contre Lacan, mais comme il sera montré, d’être tout contre Lacan, car en somme dans ce cas, il s’agit d’une forme de dispositif de passe présent dans le psychisme lui-même, mais « Evidence du commun, un nous d’espèce se constitue sous ce regard sans ombre. Là est la force de l’image agie, pur absorbement, distincte de l’action consciente (et de la vision inconsciente). Le commun qui s’y révèle semble être, selon Deligny, le support dénié de la communauté politique » (p. 1784) et je rajouterais de la communauté psychanalytique.
A partir de là, selon la prescription lacanienne, nous pouvons tenter de décrire le « (…) réel en jeu dans la formation même du psychanalyste. Nous tenons que les sociétés existantes se fondent sur ce réel. Nous partons aussi du fait qui a pour lui toute apparence, que Freud les a voulues telles qu’elles sont. Le fait n’est pas moins patent – et pour nous concevable que ce réel provoque sa propre méconnaissance, voire produise sa négation systématique. Il est donc clair que Freud a pris le risque d’un certain arrêt. Peut-être plus : qu’il y a vu le seul abri possible pour éviter l’extinction de l’expérience » (Lacan, Prop67). Ce réel insu au départ, permet l’existence d’un « Nous » de communauté, qui n’est pas le on, qui n’est pas ce collectif habituel, Deligny le nomme N qui fait écho à son Hon qui sonne comme Honte. Le réel organise sa propre méconnaissance et l’Ecole s’organise autour d’une structure qui dévoile les appareils de cette méconnaissance à partir d’une succession de négations. La méconnaissance ou démenti tient par un fait de structure dans la logique classique aristotélicienne que Lacan met au principe de la Jouissance de l’Autre dans le séminaire Encore et ceci comme surface jouissante. Ce n’est pas sans rapport avec le caractère. Il met en évidence que c’est une surface jouissante, qu’il désigne comme jouissance féminine (JA), qui s’oppose à la jouissance masculine phallique. Cette surface jouissante, dénommée par moi pour l’occasion plan B noue et sépare l’accès, par la jouissance phallique, au lieu de l’En-moins-L’Autre en tant qu’image organique jouissante, quasi corps d’images jouissantes, de l’ordre de la pulsion de vie. Tout l’enseignement de Lacan oscille entre une description temporelle, sagittale, la rythmique linaire de la cure (la parole) et une description spatiale structurale frontale, mouvement sur un plan (le nœud borroméen mis à plat) rendant sans fondement le débat entre Foucault et Sartres sur la question de l’histoire lorsqu’il s’agit du sujet dans sa dimension spatiale et temporelle.
Le séminaire Encore à cet égard est à la fois temporel et spatial. Du point de vue temporel, c’est la logique classique que Lacan convoque pour dire son implication comme limite à l’accès à la jouissance de l’Autre, que pourtant certains mystiques éprouvent et qu’il prend comme exemple. Le mystique éprouve une jouissance par le fait d’un signifiant qu’il identifie à Dieu. Il existe donc une influence jouissante qui ne passe pas par la jouissance phallique et qui est également ectopique au plan de la jouissance de l’Autre, jouissance de surface dans le corps. Dès lors, à la fois en logique et en conséquence du factuel de l’expérience de certaines cures, il n’y a pas de raison de considérer ce plan de l’Autre jouissant comme une limite à la cure qui se terminerait par un évidement momentané de la jouissance phallique et une certaine exacerbation de l’irréel. Irréel dont Lacan dit que c’est une façon de dire que l’on ne sait pas comment cela s’attache au réel. L’irréel est franchissable comme tel dans la cure – il est même le signe du franchissement lui-même – et il est nécessaire de considérer le surgissement possible d’un « événement révélant », de constitution mythogénique, définissant un « Il y a » nommant le sujet sous un jugement d’attribution dont il ne peut plus se dédire. Les mystiques, sans le savoir, y parviennent puisqu’ils entrent en relation avec un au-delà de la surface. Ils se constituent même comme lieu-même du trou d’accès. S’ils s’y placent dans un ravissement jouissant, ce peut-être une expérience tout à fait détestable, honnie et maudite et donc démentie et cette économie sensuelle empêche le consensuel puisqu’il marque la différence entre un mystique et tous les autres.
Rappelons que Lacan insiste sur le fait qu’il ne faut pas négliger la notion de révélation dans la structure. Ainsi il écrit : « Le savoir textuel n’était pas parasite à avoir animé une logique dont la nôtre trouve leçon à sa surprise (je parle de celle du Moyen-âge), et ce n’est pas à ses dépens qu’elle a su faire face au rapport du sujet à la Révélation. Ce n’est pas de ce que la valeur religieuse de celle-ci nous est devenue indifférente, que son effet dans la structure doit être négligé ». Sainte Thérèse d’Avila exprime que son corps est une surface jouissante trouée qui lui permet d’accéder alors à une autre jouissance, une jouissance créée par quelque autre qu’elle définit comme Dieu. Dieu ici est, depuis Lacan, la seule jouissance du corps qui peut faire signifiance. Elle devient un signifié jouissant d’un autre, qui lui est signifiant comme présence en tant que signifié donc signifiance. On peut soutenir que ce dont elle jouit sainte Thérèse, mais les mystique en général, c’est de cet archéologues, de ces dieux jouissants hors corps, producteurs du sujet et se jouissant du « je ». Je m’empare de Lacan, en utilisant autrement son discours « Ce sont des représentations un peu consistantes de l’Autre » (Lacan XX, p.105), consistance au-delà de l’Autre comme surface jouissante. Sainte Thérèse d’Avila jouit dans un hors lieu du corps, elle jouit d’une écriture qui se révèle d’une image qui la fait taire, car se manifestant comme la Sainte-Face, l’image du christ qui se révèle sur le linge, surface de son imaginaire et qui dure et qui tient. C’est la seule jouissance du corps possible, c’est-à-dire le corps de la figuration de la pulsion de vie, une jouissance que Lacan appelle le baroque et le « baroque, c’est la régulation de l’âme par la scopie corporel » (Lacan XX, p. 105), la scopie du cartouche. C’est aussi là, que peut se faire la régulation du caractère. Le corps intérieur à l’Autre, c’est un cartouche de signifiance figurative, cause de l’Amour. L’amour de sainte Thérèse d’Avila se conjoint au ravissement du corps, en se passant de l’homme. C’est une jouissance au –delà du phallus (Lacan, XX, p.68), un désir qui ne passe pas par l’objet a qui ne peut se dire que dans un « C’est ». « C’est » est une certitude que l’on peut avoir connaissance de cet au-delà du phallus.
Une fois ce « il y a », jouissance du seul corps que nous avons, ayant fait trou, il appartient ensuite, à celui qui en fait l’épreuve, d’amener le « Il y a » à devenir un « C’est », ce qui fait passer le « Il y a » au degré du factuel, d’être existant, déposant la structure du démenti fait par l’Autre barré. Le « Il ya » est un En-moins-l’Autre jouissant en deçà de la jouissance de l’Autre : jouissance du cartouche (JC). L’irréel est franchissable, mais il déclenche un repoussoir par son atmosphère paranoïaque. Cette atmosphère, dit Lacan, correspond au moment où le nœud borroméen perd la différence des consistances, véritable signe de l’effondrement phallique. Et il existe alors une confusion pendant un certain temps entre le sinthôme et le symbolique et ce temps doit être traversé pour l’excéder.
Dès lors, le factuel ainsi révélé, inaugure un travail de mise en savoir colmatant l’espace, créé par l’événement, entre le savoir transcendant l’événement et le savoir- qui- se-sait-déjà et cela va provoquer un foisonnement désireux devenant nécessité de produire un sens à l’événement qui est insensé en soi et qu’il faut organiser et conceptualiser. Mais y mettre un sens c’est y réinjecter du sexuel qui s’articule à la pulsion en devenir permanent dans un « illimité du savoir », une création incessante. Ainsi s’effectue une saisie et une mise en perspective différente du savoir issu de son cru propre, au fond ce qu’on appelle le désir de l’analyste. Le désir singulier de l’analyste, prend son appui du savoir du factuel découvert.
Du fait de l’expérience factualisante, le sujet n’est plus en mesure de se contenter de produire un travail de cernage d’un trou dans le savoir, puisque chargé d’une expérience de reconnaissance d’un au-delà du trou lui-même : passage regrédient au travers de l’Autre jouissant : caractère sur lequel on peut avoir une action en le reconnaissant de certaines figures qui le fondent.
Le « je » se retrouve à devoir tenter de rattacher l’événement faisant trou – séparant violemment « le sujet » en le plaçant dans un temps O – du savoir-qui-se-sait-déjà, le positionnant dans un « je ne sais plus parce que ça ne colle plus », mais en même temps un « c’est ça » sans voix, clamant la voix détachée comme vérité dans le vide. Alors c’est une plongée dans la honte du savoir, honte du savoir qui est l’exact envers de la jouissance phallique puisqu’il n’y a rien pour le dire. Le savoir de l’événement porte la honte d’un « ça ne se dit pas » de la jouissance du cartouche (JC à noter que le C ne se dit pas en grec) indicible dans le savoir qui-se-sait-déjà (JФ) donc savoir à construire dans le creuset même de la peur du déshonneur (F. Saldès, « Une approche de la honte » Carnet 72, Avril-mai 2009). La honte n’est pas une culpabilité, mais une Hontologie (Lacan, XVII) du psychanalyste qui, du fait même de traverser son objet, le précipite dans un « qu’est-ce que mon désir du psychanalyste puisqu’en aucun cas je le suis », ne pouvant qu’être celui qui suis, dans le savoir-qui-se-sait-déjà, en somme un successeur qui a reçu une transmission à son insu mais seul responsable de sa création transmissive à lui-même dialectique père-fils intérieur, je suis celui qui suis, mon cartouche composé de mes pères et de mes mères mythogéniques. En somme, il faut déposer la métaphysique du savoir qui-se-sait-déjà pour y substituer une métaphysique de l’Hontologie, soit le savoir pris dans la gangue de la honte parce qu’en tant qu’événement il est au départ autiste, il est issu de ce que Déligny appelle le Hon. Le franchissement de la honte permet peu à peu de conjoindre le « Je » à l’événement de son sujet, dont il est séparé au départ. Ce Durcharbeiten entre événement séparant hérétique du sujet et tentative de rapiècement au savoir-qui-se-sait-déjà par le « Je », véritable travail à travers, produit un nouveau savoir, truffé de honte, de déshonneur qu’il y a à porter dans la cité : un savoir qui ne se sait pas encore parce qu’il est à construire. Cette traversée du champ de honte augmente l’empan de la connaissance de l’objet de la psychanalyse. Le fait de se déshabiller de la honte nouant l’être à la mort subjective laisse apercevoir dans le sujet l’objet même de sa psychanalyse, mais qu’il doit apporter au champ de la psychanalyse comme une objection à la psychanalyse elle-même. Mais cet événement, subissant l’opprobre du « Je » lui-même, produit également une opposition, une négation jouissante du bord du savoir-su représenté dans un collectif. Collectif qui produit un savoir sué, une sudation du savoir.
La traversée de la jouissance opposante se fait par un agir dans la production même de la théorie de l’expérience, autrement dit par un « faire la preuve » qui succède à un « faire l’épreuve ».
Cette opposition, qui est bien plus que simple résistance du savoir-qui-se-sait-déjà – présent dans l’individu et le collectif – repose sur la négation que comporte la logique classique. Aristote définit la logique classique, à partir de deux propriétés fondamentales : le principe de non-contradiction (on ne peut avoir en même temps et sous le même rapport la vérité de P et la vérité de non-P), on ne peut exister et ne pas exister en même temps. Le principe du tiers exclu (on doit avoir ou P, ou non-P) c’est le sujet ou l’existence. Ces deux propriétés définissent en réalité trois types différents de négation : la négation classique comme déclaration de mort, la négation intuitionniste avec principe de non-contradiction, mais sans le tiers exclu, et la négation paraconsistante comme silence de mort, avec le tiers exclu, mais sans le principe de non-contradiction. Et c’est au sein même de cette logique contradictoire au « C’est existentiel » – qui constitue pour le sujet un statut au jugement d’existence – démentant le « Il y a » attributif – que le sujet agit. Il agit une logique inversée à la logique classique, une forme de « contre-diction » au sein de la négation, qui comprendrait un principe soutenant qu’on peut agir au même lieu, la vérité de P et de non P en même temps et sous le même rapport et un tiers non exclu, soit un Tiers inclus qu’il faut réinterroger du côté de l’hypothèse de Lupasco qui a subi une violente négation de la part de Lacan qui voit dans la logique contradictoire, une gélification. Alors que Lupasco est en plein dans la logique aristotélicienne, telle que Brentano la définit ( Brentano , Aristote, les significations de l’être) centré sur la différence entre l’òn dunámei, , l’être selon la puissance et l’acte, l’òn energeíai l’être achevé, réalisé et l’ òn kiné sei, l’être en mouvement. Tandis que Freud placerait plutôt à l’endroit de la logique contradictoire l’on kinèsei, l’état de ce qui est en devenir du sujet dans la notion de désir comme « (…) génération actualisante qui n’épuise pourtant pas la potentialité ». Lacan refuse de son côté le tiers exclu mais parce qu’il s’agit bien d’un sujet de l’inconscient comme tiers inclus. Le lapsus est un exemple de tiers qui vient s’inviter soudain dans le discours de la même manière les formations du cartouche s’invite soudain dans l’imagerie du symptôme mettant un terme au symptôme lui-même et sa manière de voir le monde.
Ainsi, avec la psychanalyse, nous sortons (au sens du sujet qui y est retenu passivement ou expulsé mais par une expulsion active) un tant soit beaucoup de la logique classique dans sa partie située entre la négation intuitionniste et la négation paraconsistante. En effet, depuis Freud et l’inconscient, il peut y avoir P et non P en même temps et sous le même rapport, car il est manifeste que l’inconscient peut soutenir la vérité de P et la vérité de non P selon la notion que l’inconscient admet la soutenance de la contradiction comme en témoigne les rêves par exemple. Badiou d’ailleurs ne sembla pas relever cet aspect.
Si Lacan établit la métaphore de la logique du temps premier du sujet, au degré O de son existence comme « Tout OU terme évanouissant », il suppose la destruction du Tout – comme d’ailleurs toute la philosophie traitant de métaphysique soit de l’ontologique du sujet – pour qu’il soit reconstruit dans un Tout hallucinatoire centré par l’objet a cause du désir. Dès lors, posé, comme le fit A.D. Weil dans « Topologie et temps », que le sujet passe par un temps hérétique dans l’expression de son savoir, être hérétique serait déposé, dans ce cas, qu’il existe Tout démenti ET terme évanouissant de telle sorte que la proposition de Lacan devient « Tout ET Terme évanouissant ». Tout coexiste au terme évanouissant mais entre ce Tout et le Terme, il existe le tiers qui ne peut plus s’exclure de l’opération par le symptôme. Il existe le possible alors qu’un sujet passe au travers de son propre démenti fondamental et que dans un temps second, il ait à passer au travers du démenti exercé par le savoir-qui-se-sait-déjà. C’est l’Austossung, l’expulsion du sujet de son rapport au premier terme évanouissant après avoir été inclus.
Mais cette singularité de la négation inverse à la logique classique, qui n’est pas simplement logique modifiée, comme l’établit J.M. Vappereau, devient en réalité une affirmation au sein même d’une négation. Ce n’est pas la logique qui est modifiée, mais le statut du sujet en tant qu’il nait différent de son surgissement au travers des mailles de la logique classique qui est trouée. La négation est trouée. Ce qui traverse la trouée, c’est une affirmation expulsante pour le sujet à travers la négation, en somme la possibilité de la Bejahung freudienne qui comporte un « Il y a » originaire attribuant, un « C’est » existentiel et pour finir un « Il s’agit » qui constitue une éthique. Cette affirmation de l’être en puissance, l’être en tant que dunámei ón, « c’est un possible qui faisant abstraction de toute réalité de ce qui est appelé possible, revient à se contenter d’affirmer que quelque chose pourrait exister dans la mesure où son existence ne referme aucune contradiction. Ce possible-là n’existe pas dans les choses, mais dans des concepts objectifs et des liaisons conceptuelles de l’esprit pensant, c’est là quelque chose de purement rationnel » (Brentano, Significations, p. 54). Ainsi nous pouvons dire que le sujet ne renferme aucune contradiction, il est contradiction lui-même en tant qu’être se constituant successivement en puissance contre la négation classique, réalisé contre la négation intuitionniste, en mouvement dans la négation paraconsistante, et déterminé par elles.
Ces trois négations forment un démenti soutenu par un plan d’écriture, lui-même tenant le phallus dans sa partie d’écriture avant qu’il ne soit imaginaire, comme trait Unaire qui est trait et fente à la fois. Lacan a fait de ces négations, le principe de l’Autre Barré limite actuelle de la psychanalyse.
Dans un temps spécifique de la fin d’analyse dans un moment où la barre sur le Sujet se superpose la barre de l’Autre, le sujet peut faire l’expérience de « l’événement révélant » franchissant la coupure pour faire un tour dans le plan en dessous comme dans une surface de Riemann. Cette événement révélant peut, lui, se transmettre et constitue le factuel. C’est une image qui défait tout regard, qui troue le regard. C’est l’image réelle du miroir convexe du schéma du double miroir.
Le factuel tient dans ce possible du franchissement aller et retour en deçà des négations supportées par une écriture.
Il permet de connaître d’où le sujet est venu, comment il est nait d’un caractère propre, mythogénique, représentant les deux forces de la pulsion de vie conjoignant négation et affirmation. Ce sont des Figures surmoïques destructrices et violentes et des figures apaisantes contraires, maintenant une cohésion. Au retour, de ce « vu » qui restera désormais, dans un deuxième temps le sujet est évanoui au pied de la lettre, en somme littu-raturé, scarifié par le symbolique dans un aspect singulier. Cette espace, né à la conscience, car vu au moment de la superposition des deux barres, celle du sujet et de l’Autre, appelle à la définition d’une troisième fonction du phallus dans sa fonction d’écriture du symbolique. Après le phallus indivisible et ruisselant lacanien et la lettre volée, le phallus disséminé derridien et la lettre perdue, il s’agit de définir une fonction du phallus passant du fait d’une lettre trouée qui est à proprement parlé une négation constitutive soit un démenti exercé par une surface. L’effectuation de sa fonction se situe dans un déplacement de la barre dans La barré sur le L détachant le a mais le L est précédé d’un C. Elle permet l’accès à un savoir révélant d’une mythogénie des Surmoi, inverse de la méconnaissance, qui enracine profondément le caractère du Moi et du Surmoi dans un archéologos. Cet archéologos resitue l’infini achevé de Cantor dans la consistance de la pulsion de vie d’où s’enracine le désir de l’analyste. Ainsi Lacan écrit : « L’étonnant est qu’avec ça on trouve quelque chose, les nombres transfinis par exemple. Qu’était-il d’eux, avant ? J’indique ici leur rapport au désir qui leur a donné consistance. Il est utile de penser à l’aventure d’un Cantor, aventure qui ne fut pas précisément gratuite, pour suggérer l’ordre, ne fût-il pas, lui, transfini, où le désir du psychanalyste se situe ». (Prop. Oct 67)
Il contient l’intension produisant de la structure et un troisième sexe que Lacan recherchait. Une fois démenti, il s’articule avec l’infini en construction, kinésis, transitant par l’Œdipe et l’objet a. Le plan du démenti organise le passage de cet archéologos aux signifiants qui contiennent dès lors le savoir sur lui, mais savoir disséminé. L’analyse et le franchissement permet d’en avoir une image réelle.

On peut alors définir que le dispositif de la passe doit soutenir les piliers que constituent ces trois négations d’où surgit, en trois temps par expulsion, le sujet porteur de sa mythogénie constitutive, transmissible.

Le dispositif actuel de la passe n’est il pas alors monté à l’envers ? Ne manque-t-il pas un temps d’effectuation des cures dont l’abouti ouvrirait à une extension différente ? L’école ne doit-elle pas faire structure aux trajets qui surgissent à l’envers saisissant, tendant la main au savoir qui aborde les berges du trou du savoir qui se sait déjà ?
Résultats à développer

La transmission devient une transmission de ce qu’en dessous d’un dit plan B du démenti d’écriture (E), on peut apercevoir dans le plan sous-jacent.
J’ai situé dans cet aller et retour modifiant le sujet, un passage entre signifiant, écriture et archélogos qui est ce que j’ai nommé le cartouche. Le sujet se constitue des effets des négations successives, démenti, déni, expulsion (ou aphanisis). « Il y a » est démenti, « C’est » est dénié et « il s’Agit » est évanoui. Depuis les avancées conceptuelles sur le cartouche et le plan B, découlant directement de l’expérience qui a fait trou, dans la mesure où la notion de S1 s’est complexifié du fait de ces trois fonctions du phallus (le phallus articulant écriture et signifiant et à l’origine de la construction du fantasme), on peut faire ressortir ceci :

Fonction P Fx (P) faire passer notée /,
Fonction D Fx (D), disséminer, ruisseler, notée (::::)
Fonction Fx (E) évanouir (\a/) (aphanisis),
Il faut une succession d’opération pour que le sujet advienne en avant du plan B et les opérations sont parfois non effectuées ou stoppées. Et l’on peut insérer la théorie du cartouche (archéologos) dans la théorie de l’Etre et l’Evénement d’A. Badiou en fonction du schéma inséré dans le « second manifeste pour la philosophie et réalisé par l’artiste Monique Stobiena, mais ce qui diffère dans nos avancées c’est que le « Il y a » est l’événement lui-même.

Dans le cas de l’Homme au loup, ce que perçoit Freud en arrière des loups n’est pas un souvenir visuel d’un rapport sexuel a tergo, mais une Fpa (Figure paternelle postérieure dans le cartouche) qu’il sexualise comme scène primitive. Intuition extraordinaire ! Peut-être même le savait-il et n’en a pas parlé. Il avait une sorte de certitude quant à la guérison de son patient sur ce cas-là. Il est possible d’écrire la négation de ces fonctions soit //, ~ ::::, /\ et ces négations affectent les termes. Aux différentes fonctions correspondent Fx (P) Verleugnung, démenti. Fx (D) Verneinung, déni. Fx(E) Austossung, expulsion. Ainsi le mathème de l’effectuation du sujet devient une formule alliant termes et fonctions en respectant le mathème de Lacan et en l’augmentant de la question de l’écriture sur le plan B. Mais arriver à l’économie de la jouissance du cartouche par les voies de l’expérience est tout autre chose que d’y arriver par les voies offertes par la logique.

Noisy-Le-Grand, le 20 juin 2009

J.B Beaufils